| EXERCICE 18, UNITÉ IV 1.2. Ajouter en changeant de perspective
CONSIGNE Justifiez l'emploi de par ailleurs en trouvant les deux plans différents qui se rapportent à un même sujet.
EXEMPLE La délocalisation d'activités et d'emplois est […] soumise à des contraintes et comporte des coûts cachés (risque de délais de livraison non respectés du fait de la distance, difficulté de répondre à une commande « sur mesure »…). Le rapport d'information de 1993 annonçait que ces contraintes étaient en voie de disparition : les coûts d'entrée dans les pays, engendrés par des investissements directs ou des partenariats locaux, pouvaient avantageusement être contournés par le recours à la sous-traitance, allégeant considérablement les frais d'immobilisation. La diminution des coûts de transport constatée sur longue période, et qui s'est amplifiée depuis, ainsi que celle des coûts de communication, agissent par ailleurs comme des « facilitateurs » pour les échanges mondiaux… et les délocalisations. Le rapport d'information de 1993 montrait même que, par le jeu des décalages horaires et de saison, la distance était devenue un facteur de production. Entrevue également en 1993, la dématérialisation des communications, grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), a considérablement simplifié la mécanique de la délocalisation. (1)
RÉPONSE (la formulation peut être différente) Premier plan : répercussions des délocalisations au plan des entreprises (premier constat sur la délocalisation d'activités et d'emplois qui concerne chaque entreprise qui délocalise) Deuxième plan : répercussions des délocalisations au plan international (deuxième constat qui se rapporte aux échanges mondiaux)
1. L'étude souligne une spécificité française dans les réorganisations d'entreprise : celle de la délocalisation par procuration. En effet, les entreprises externalisent d'abord leurs activités de services, dès lors qu'elles sont opérables à distance et que le volume d'emplois concernés est conséquent, et, par une pression accrue sur les prix, incitent ensuite leurs sous-traitants à délocaliser « à leur place ». Cette préférence pour une démarche en deux temps tient notamment au souhait d'éviter des conflits sociaux devenus difficiles à affronter. Le choix de l'externalisation, et donc in fine de la délocalisation, est lié par ailleurs en France à la difficulté de regrouper sur un seul site des activités de services disséminés sur l'ensemble du territoire, faute de mobilité suffisante des salariés. L'externalisation, « paravent d'un mouvement de délocalisation qui s'annonce », constitue ainsi un moyen privilégié pour éluder les contraintes et les conflits sociaux.
2 Selon les entretiens réalisés par Katalyse [entreprise de conseil en développement], les entreprises évoquent, par ordre d'importance, trois motifs pour délocaliser : accéder à un marché en fort développement, recourir à des ressources humaines (en termes de compétences et/ou de flexibilité) et réduire les coûts. Dans la plupart des cas, les délocalisations ne sont pas sous-tendues par un motif unique. Il convient de noter, par ailleurs, que, dans le cas de la recherche de l'accès à un marché en développement, les activités localisées à l'étranger ne pourraient pas, sauf à la marge, être localisées en France. Parmi les délocalisations pures, la motivation liée à la réduction des coûts par l'accès à une main-d'œuvre moins chère que la main-d'œuvre nationale, à qualification équivalente, est la plus fréquente.
3 La délocalisation, pour les métiers de service, accompagne fréquemment celle des activités industrielles : la recherche, par exemple, suit ainsi la production. Fondamentalement, les mouvements de délocalisations mettent, selon Katalyse, en évidence l'application de la logique industrielle aux activités de services. Les technologies informatiques permettent désormais l'établissement de nouvelles usines tertiaires, du type « usine à comptables » ou « usine à télé-opérateurs » dans une logique de travail à la chaîne, sur des tâches standardisées. Ceci permet le traitement, à grande échelle et à faible coût, d'une grosse part des activités de services banalisées et répétitives. En l'état actuel des technologies informatiques, les nouvelles structures établies selon ces logiques ne sont cependant pas encore à même de traiter des cas particuliers, sortant de l'ordinaire, de la même façon qu'une usine taylorisée ne traite que des pièces standardisées. C'est la raison pour laquelle la plupart des délocalisations proviennent des plus grandes entreprises, seules organisations capables d'alimenter ces nouvelles usines tertiaires en flux significatifs de services standardisés. Les mouvements de délocalisation d'activités de services sont par ailleurs, pour une part d'entre eux, l'exacte copie des mouvements de délocalisation de l'outil industriel : les prestataires de l'immatériel calquent leur modèle sur celui des grandes entreprises industrielles ayant délocalisé leur outil de production ; ils suivent pour partie les mêmes logiques de réduction de coût par l'accès à une main-d'œuvre étrangère meilleur marché et la même dynamique de montée en gamme des activités de services délocalisées est à prévoir. Les services entrent donc eux aussi peu à peu dans le jeu de la mondialisation. Certains pans de l'économie des services – services à la personne, services de proximité – restent cependant en dehors du jeu mondial, du fait de leur caractère culturel spécifique, et du besoin inamovible d'une présence physique pour leur production.
4. La qualité du produit ou du service n'est plus, dans la perception du consommateur, directement liée à une origine nationale voire à une proximité régionale. Cette perception est selon votre commission des finances particulièrement justifiée : un industriel peut aujourd'hui produire aux mêmes standards de qualité, de coût et de délais, où qu'il soit dans le monde. Quelques rares secteurs échappent à la tendance générale. C'est le cas par exemple de l'agroalimentaire. Bien plus que pour d'autres secteurs, le cabinet Ernst and Young note en effet que le consommateur est vigilant à la qualité des produits achetés, attitude renforcée par une série de crises alimentaires au début des années 2000. Par ailleurs, apparaît désormais un consommateur critique pour lequel les marques sont jugées trop chères. Les prix bas servent de refuge. Parfois troublé par le passage à l'euro, appauvri par certaines hausses de prix, le consommateur est devenu, selon Ernst and Young, un « marathonien de la comparaison des prix ». Il fréquente davantage de magasins, adopte le « hard discount » et consulte Internet. Afin d'optimiser son budget, il achète les produits nécessaires à bas prix, en toute bonne conscience, pour pouvoir par ailleurs continuer à réaliser des « achats plaisirs ». Le consommateur devient alors beaucoup plus critique à l'égard des marques et le transfert des achats vers des produits sans marque est désormais avéré, comme en témoigne le développement constant des marques de distributeurs. Dans ce contexte, l'origine du produit ne semble plus être un élément déterminant dans les choix réalisés par le consommateur. Le consommateur, de moins en moins attentif à l'origine, accepte le principe d'un marché mondial de la production des biens de consommation que le salarié a, lui, bien du mal à accepter. Une dichotomie de plus en plus marquée apparaît ainsi entre les trois statuts simultanés de l'individu « employé »/« consommateur »/« citoyen ». Elle s'exprime par une contradiction entre la recherche permanente des prix les plus bas, l'indifférence aux discours de consommation citoyenne (Ernst and Young rappelle le peu d'impact d'une campagne de sensibilisation autour du concept « nos emplettes sont nos emplois ») et les multiples revendications sociales de ces mêmes individus. Le phénomène semble comparativement plus fort en France que dans d'autres pays (Etats-Unis, Allemagne…) où la consommation « nationale » est privilégiée.
5. Face à la concurrence de pays qui forment davantage d'ingénieurs que toute l'Europe réunie, une politique de qualification de la main-d'œuvre constitue une œuvre de « salut public ». Cette politique de qualification doit jouer à la fois « vers le bas », en limitant les sorties du monde éducatif sans qualification, et vers le haut, en assurant la promotion, dans les universités, de réels pôles d'excellence à l'échelle mondiale, ce qui passe nécessairement par une sélection des candidats à ces pôles d'excellence. Par ailleurs, le cabinet Katalyse souligne chez la main-d'œuvre française une très mauvaise maîtrise générale des langues étrangères, de l'anglais, la langue véhiculaire internationale, en particulier. Il est impératif pour l'attractivité de la France qu'une majorité des salariés maîtrise cette langue et qu'une proportion croissante la pratique couramment. Il faut donc améliorer l'acquisition de l'anglais professionnel par tous les salariés, depuis la base jusqu'aux niveaux de direction, y compris dans le cadre de formations techniques. Il suffit de concentrer l'apprentissage sur la maîtrise de l'anglais international et professionnel (le « globish », ou « global English »), en mettant avant tout l'accent sur le « savoir communiquer ». On assiste, en effet, aujourd'hui à une augmentation du nombre de délocalisations à destination de pays anglophones liées à une insuffisante maîtrise de la langue anglaise par nos concitoyens.
6. Les produits fabriqués en Europe et en France supportent le coût de normes environnementales auxquelles ne sont pas soumis les biens fabriqués dans des pays moins investis dans la protection de l'environnement. Ceci conduit à des effets pervers bien connus désormais : ceux de la délocalisation de la pollution. Cette délocalisation de la pollution est parfois vivement encouragée par nos propres populations, au détriment de leur emploi. La flambée des droits d'émission – droits à polluer en Europe – pose clairement, par ailleurs, la question de la localisation des industries lourdes. Il ne s'agit pas pour votre commission des finances de remettre en cause des normes environnementales utiles, mais de voir que, désormais, la question d'une « course vers le fond » est posée : les pays européens ont objectivement peu d'intérêt, sur un plan strictement économique, et pour l'emploi, à conserver des normes nuisant à leur compétitivité. Si, au sein de l'Union européenne, une harmonisation est possible, elle se révèlera illusoire au niveau international. Pour cette raison, l'environnement paraît être un domaine où doivent pouvoir s'appliquer, justifications à l'appui, des normes tarifaires visant à équilibrer les termes de l'échange entre pays ayant une politique environnementale et pays s'y refusant.
(1) Tous les passages sont extraits d'un rapport du Sénat sur « La globalisation de l'économie et les délocalisations d'activité et d'emplois » (416 : 2004-2005).
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