| EXERCICE 49, UNITÉ II 3.2.3.2. Le respect du texte et de son enjeu
CONSIGNE Complétez les blancs par : - hommes - êtres vivants et justifiez votre réponse.
Le « primitif » se règle, en général, sur l'expérience objective et vérifiable pour son comportement : il faut bien, pour qu'il vive et échappe aux multiples causes de destruction, qu'il s'adapte, de la meilleure façon qu'il peut, aux conditions d'existence que lui impose le milieu ambiant. En quoi il agit comme les autres ……………………….. et plus spécialement comme les autres animaux supérieurs, avec la supériorité dans le choix des moyens et dans les modes d'adaptation que lui assurent l'intelligence, le langage, la vie en société et la tradition. Mais en même temps, ces êtres réels auxquels il adapte son comportement existent pour lui à un autre point de vue encore que les besoins de la pratique. Il a un sentiment désintéressé – au moins pour une grande part – de leur existence et de leurs relations entre eux et avec lui-même. C'est cela qui fait le contenu des mythes et la matière de l'expérience mystique. Il vit ainsi dans deux mondes qui n'en font qu'un, ou, si l'on aime mieux, dans un monde qui est à la fois unique et double : unique en tant que visible et tangible, double en tant qu'il est en même temps invisible, et que des participations multiples y sont senties, dont on ne dira pas qu'elles « expliquent » les raisons de l'existence des êtres, mais qu'elles en racontent l'origine et les transformations, et en font sentir les particularités et parentés. […] dans le monde des ……………………….., il y a quelque chose qui correspond à ce que sont les lois dans le monde physique, constituant comme elles un élément essentiel de constance et de fixité : ce sont les formes de ces êtres, que l'hérédité transmet et conserve si fidèlement, et qui sont si propres aux innombrables espèces de végétaux et d'animaux (pour ne rien dire des cristaux et des minéraux) qu'elles servent à les définir et y suffisent : que seraient la botanique et la zoologie sans la classification que rend possible l'étude de la morphologie ? […] Cependant notre doute perdrait beaucoup de sa force si nous ne perdions pas de vue que le monde de l'expérience ordinaire n'est pas non plus pour eux ce qu'il est pour nous. Dans la pratique, ils se comportent comme s'ils avaient une confiance entière, pareille à la nôtre, en la constance des lois de la nature et la permanence des formes des êtres vivants : il le faut bien pour qu'ils vivent, et leurs techniques en témoignent. Mais en même temps, ils ont des expériences mystiques dont l'impression sur eux est profonde, qui leur révèlent la présence et l'action de forces surnaturelles et invisibles, intervenant à un moment quelconque dans le cours régulier des phénomènes naturels : de ce point de vue, la différence entre ce monde et le monde mystique est seulement du plus au moins, et les faits racontés dans les mythes ne sont plus incroyables, puisqu'ils arrivent aussi dans la réalité actuelle : ces faits sont simplement beaucoup plus rares de notre temps qu'ils ne l'étaient dans la période mystique. En général les femmes mettent au monde des garçons et des filles. Cependant si une femme, extraordinairement, accouchait d'un animal : chien, crocodile, veau, oiseau, le primitif à qui on l'apprendra sera surpris, probablement effrayé, mais il ne refusera pas de le croire, en alléguant que le fait doit être faux, parce qu'absurde et impossible. […] Pour nous, étant donné que les Trumaï sont ……………………… , il est exclu, il est tout à fait impossible qu'ils passent les nuits au fond du fleuve, et c'est ici qu'apparaît la différence du rôle des concepts dans ces esprits et dans les nôtres. Les ……………………… sont des mammifères, comme tels ils respirent par des poumons, donc il est impossible qu'ils séjournent dans l'eau pendant des heures comme les poissons et les amphibies. Pourquoi impossible ? Parce que selon nous, il y a incompatibilité entre le concept de l'homme qui implique un certain appareil respiratoire, et le séjour prolongé dans l'eau. On ne peut pas affirmer à la fois que les Trumaï sont des ……………………… et qu'ils passent les nuits au fond de l'eau : c'est à la fois affirmer un concept et le nier. Si ce n'est pas une contradiction à proprement parler, c'est une incompatibilité intolérable. Ou il est faux que les Trumaï passent leurs nuits au fond du fleuve, ou ce ne sont pas des ………………………. La force de ce dilemme, qui nous paraît ne pas admettre la discussion, lui vient du concept d'homme qui a la valeur d'une définition de chose. L'attitude des indigènes est différente. Ils partent du fait certain pour eux : les Trumaï dorment au fond du fleuve ; donc cela n'est pas impossible, puisque cela est. Les indigènes admettront-ils pour autant que les Trumaï ne sont pas des ………………………, abandonneront-ils le concept qui nous parait incompatible avec ce fait ? On ne peut pas, raisonnablement, attendre d'eux une réponse à une question qu'ils sont à mille lieues de se poser. Mais il n'est pas téméraire d'imaginer la réponse qu'ils feraient. Certainement les Trumaï sont des ………………………. Mais, bien que rentrant dans l'extension du concept homme, l'expérience prouve qu'ils possèdent un pouvoir que les autres ……………………… n'ont pas : celui de séjourner dans l'eau sans s'y asphyxier. Cette propriété n'est pas aussi paradoxale qu'elle nous le semble : il y a d'autres ………………………, dans tout groupe humain, qui ont ainsi des pouvoirs n'appartenant qu'à eux seuls, des privilèges physiques : le sorcier, le medicine man, le shaman, qui a le pouvoir de se rendre invisible, de se transformer en tel ou tel animal, d'exercer une action magique à distance, etc. Le shaman eskimo se rend au fond de l'Océan sans risque de se noyer, de même qu'il se rend dans la lune. C'est cependant un homme, mais qui, en certaines circonstances, et du fait de son initiation, est en même temps plus qu'homme selon l'expression employée par les Australiens pour leur medicine man. Ces esprits n'abandonnent donc pas le concept d'homme – mais le leur est souple et flexible, tandis que le nôtre est rigide et fixe. (1)
(1) Lévy-Bruhl, L., Carnets 1938-1939.
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