Développement   

 

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EXERCICE 73, UNITÉ IV
3.1. Clarifier


CONSIGNE
Identifiez ce que reformule l'énoncé introduit par
autrement dit.

EXEMPLE
[…] depuis les années 1960, la productivité accrue du journal télévisé, son alignement sur la presse quotidienne, sa plus grande crédibilité ou sa relative autonomisation (sa professionnalisation, en somme) se sont mis en place, au détriment du respect des traditions technico-artistiques. Autrement dit, les vieux monteurs sont surtout nostalgiques de la relative autonomie que la tradition technique conférait à leur groupe ; c'est-à-dire aussi d'un passé où le journalisme de télévision avait mauvaise réputation, souffrait de la lourdeur de ses équipements et dépendait davantage de la puissante corporation des techniciens. A écouter les anciens, on pourrait croire que l'ensemble des monteurs aimerait retrouver une organisation où la complexité des outils et la stricte division technique du travail permettraient de préserver leur chasse gardée. (1)

RÉPONSE
Ce que reformule l'énoncé introduit par autrement dit : depuis les années 1960, la productivité accrue du journal télévisé, son alignement sur la presse quotidienne, sa plus grande crédibilité ou sa relative autonomisation (sa professionnalisation, en somme) se sont mis en place, au détriment du respect des traditions technico-artistiques.



1. Les monteurs sont des spécialistes de ce qu'ils nomment le « langage télévisuel ». De par leur grande familiarité avec la télévision et ses produits, ils savent reproduire des « figures », une « rhétorique » ou différents styles et leur virtuosité a probablement des aspects communs avec celle du joueur de jazz décrite par David Sudnow : le sens de l'improvisation est une sorte de capacité à enchainer de manière nouvelle, contextuelle et difficilement explicitable des accords anciens selon une structure identifiable. […] Autrement dit, bien qu'il n'ait pas participé aux étapes antérieures, un technicien peut fabriquer seul une histoire qui respecte les conventions de mise en forme (un sujet « propre », voire particulièrement esthétique) et qui présente une version vraisemblable de la réalité traitée. A l'inverse de la situation consistant à illustrer un angle a priori, on trouve donc des situations où le travail est une reconstruction a posteriori, plus ou moins improvisée, mais suivant les règles de l'art. (1)



2. De manière générale, l'urgence professionnelle est un type de situation qui risque d'entraîner des effets visibles par le public : une interruption du flux d'images, un sujet qui « ne part pas », un journaliste qui « bafouille », etc. La diffusion en direct du journal place les producteurs dans une logique où la maîtrise de la présentation devient une mesure pragmatique de la performance professionnelle. Dans les dernières minutes, les responsables se focalisent sur les aspects les plus immédiatement repérables par le profane : le style, le ton, la diction, la qualité de l'image, le timing, etc. La gestion du risque prend la forme d'un contrôle de surface qui s'attache à reproduire le mode de présentation traditionnel, à la manière des échanges ritualisés dont les pratiquants finissent par négliger les objectifs les moins contrôlables au profit de l'orchestration des détails à leur portée et perceptibles par le plus grand nombre.
     Souvent le contrôleur ne connaît du reportage que le titre (écrit sur le conducteur), les dépêches d'agence qui s'y rattachent ou l'angle défini en conférence de rédaction, autrement dit, des informations propres au bureau. Dans les salles de montage, il juge rapidement de la logique ou de l'allure générale des sujets. Il critique davantage la « clarté » ou la « cohérence » des reportages du « haut » du journal (le news) et apprécie souvent le caractère « joli », « beau » ou « intéressant » de ceux du « bas ». En ce sens, il intervient davantage sur le texte ou les paroles des premiers et se limite en général à louer l'esthétique des seconds. (1)



3. […] l'analyse du point de vue des monteurs contribue à montrer que la division technique du travail de fabrication des reportages et le contrôle que les journalistes ont progressivement exercé sur ce même travail ont des effets sur les modes de traitement des documents. Qui prend en charge la manipulation du matériel et selon quelle priorité varie selon qu'il s'agit d'images muettes ou de sonores, cette différenciation reposant d'ailleurs sur un prédécoupage réalisé dès le tournage. Dans la logique dominante, consécutive à la professionnalisation du journalisme audiovisuel, le montage est un empilement linéaire, définitif et pressé par le temps où la parole enregistrée (sonore et commentaire) et l'angle prédéterminé occupent un rôle central et directif. En ce sens, l'évolution qui a fait remonter le traitement sonore dans la séquence de travail a aussi permis aux spécialistes de l'interview de monopoliser la maîtrise d'un type d'information jugé le plus sérieux et qui est donc le plus contrôlé par la hiérarchie professionnelle. Ainsi, échappant en partie à ce contrôle, la sélection des images muettes ou leur assemblage a posteriori sont parfois laissés au savoir-faire technico-artistique, à l'improvisation ou au bon sens des seuls monteurs. Autrement dit, bien que les documents récoltés comme ceux diffusés soient audiovisuels, l'organisation des actualités télévisées repose sur la division et la hiérarchisation du mode de traitement des images sonores et de celui des images muettes. Par conséquent, ceux qui souhaiteraient percevoir cet aspect à partir du produit fini pourraient utiliser cette démarche : en cachant l'image de leur téléviseur, ils auront une idée plus juste du travail du rédacteur, en baissant le son, ils prendront au sérieux la contribution du technicien. (1)



4. Les qualités perçues comme personnelles sont des qualités socialement construites mais non encore reconnues comme compétences consacrées. Aussi apparaissent-elles indissociables de la personne. Ce ne sont pas, toutefois, ces propriétés considérées en elles-mêmes qui sont déterminantes mais leur relation avec le marché du travail sur lequel les salariés sont amenés à valoriser des caractéristiques qui sont socialement produites et socialement évaluées. […]
     Pour les utilisateurs les plus dominés, l'informatique a pu permettre de mettre en valeur des caractéristiques biographiques liées à un parcours scolaire, une histoire familiale, des expériences professionnelles. Grâce à la diffusion de l'informatique, ces propriétés, jusque-là invisibles ou considérées comme inutiles, deviennent pertinentes et peuvent de ce fait se transformer en qualités professionnelles. C'est encore plus vrai pour les cadres, les enseignants, et de manière plus générale pour les salariés occupant des positions relativement élevées, avec une certaine autonomie dans le travail, qui s'appuient sur des rapports de confiance, en général non dissociables des qualités des personnes. Mais la compétence informatique peut sur ce marché porter la trace d'une valorisation relativement négative dans la mesure où les qualités qui ont permis aux usagers de manifester leurs compétences (disposition à l'autodidaxie, disponibilité, goût pour le bricolage, la technique, etc.) sont susceptibles d'être perçues de manière négative par comparaison avec les parcours les plus légitimes et les plus consacrés (ingénieurs passés par les classes préparatoires et par les grandes écoles). Pour cette génération d'utilisateurs, les enjeux sociaux de l'informatique dépendent de leur position sur le marché du travail : pour ceux qui occupent les emplois situés aux niveaux hiérarchiques les plus bas, l'informatique réactualise le rapport à l'école comme « manque ». Son apprentissage est un défi, une « évaluation de soi » permettant éventuellement de remettre en question les jugements scolaires. Pour les cadres, en revanche, la compétence informatique, isolée des autres facteurs qui définissent la position de cadre, renvoie à un mode d'accès parmi les moins nobles et les moins légitimes du capital scolaire et peut être perçue comme un savoir négatif qui, en dernière analyse, manifeste un manque de capital social. C'est particulièrement vrai pour les cadres originaires des classes populaires. Qu'ils soient cadres sans diplôme ou cadres « bacheliers de première génération », ils ont en commun d'avoir accompli une trajectoire de mobilité sociale, l'apprentissage de l'informatique à une époque où sa maîtrise était encore une compétence rare offrait aux salariés qui n'avaient pas grandi dans la familiarité de la culture savante l'occasion d'une promotion sociale par la technique.
     Pour l'essentiel, les stratégies mises en œuvre par les cadres semblent consister à s'affranchir par l'informatique de la rigidité du poste, en particulier des liens hiérarchiques (avec les supérieurs comme avec les subordonnés) qui « collent » trop au poste. L'informatique donne le pouvoir ou l'illusion d'échapper aux contraintes de la division du travail auxquelles sont soumis les salariés appartenant à une grande organisation ; ils sont ainsi tentés de redéfinir leur emploi sur le mode d'une profession libérale permettant d'effacer les traces du travail accompli, essais, bricolages, erreurs, bref, ses faiblesses et ses défaillances : par exemple, pour les « commerciaux, banaliser les tâches de routine, maîtriser la rédaction et l'orthographe, s'affranchir du regard « objectivant » des secrétaires. L'informatique personnelle devient un outil d'analyse du travail et d'autoanalyse, d'évaluation du travail et du rapport au travail.
     Plus les cadres occupent une position reconnue, plus ils prennent de la distance avec l'informatique : ce n'est plus une compétence qu'il faut exhiber ; il faut au contraire effacer les traces de ce qui reste un savoir technique et donc bon pour un technicien. Autrement dit, effacer les traces de l'apprentissage de l'informatique, c'est effacer les traces de son passé, celui de ses parents pour les cadres d'origine populaire ou les traces de son propre passé pour les cadres « maison ». (2)



5. […] nous constatons que les attitudes d'opposition aux autorités et au régime sont les plus fréquentes chez les sujets, hommes ou femmes, les moins favorisés économiquement et culturellement alors qu'au contraire, l'attachement aux libertés collectives est davantage le fait des sujets privilégiés. Autrement dit, tout se passe comme si l'appartenance aux milieux ouvriers/employés/personnels de service tendait à favoriser le développement d'attitudes plutôt hostiles à l'égard du système politique ou du moins à deux de ses composantes, et l'appartenance aux catégories moyennes supérieures le développement d'une défense des conquêtes démocratiques et sociales. (3)



6. […] nos données mettent bien en évidence que, dans les milieux favorisés, les femmes (54 %) sont aussi disposées que les hommes (52 %) à dire qu'elles parlent souvent politique avec leurs amis alors que, chez les ouvriers, employés, personnels de service, les femmes (26 %) ont nettement moins tendance à le faire que les hommes (50 %). Il faut souligner en outre que, contrairement à ce qu'on observait en étudiant les attitudes de gauche, les femmes des milieux favorisés sont beaucoup plus nombreuses que les femmes moins privilégiées à exprimer un intérêt pour la politique, du moins tel qu'il est mesuré par notre indicateur. Autrement dit, si politiquement les femmes se comportent plus souvent comme les hommes lorsqu'elles appartiennent, par leur profession, par celle de leur mari ou par celle de leurs parents, aux milieux moyens supérieurs, c'est parce qu'elles auraient la possibilité économique et culturelle de s'intéresser à la politique. L'observation selon laquelle « la politique est un luxe de riches » semblerait donc encore mieux vérifiée dans le cas des femmes. (3)



7. Les fonctions de maire, de conseiller municipal ou de conseiller général ont toujours été, depuis le début de la IIIe République, compatibles, juridiquement, avec le mandat parlementaire. Dans un pays comme la France, fortement centralisé du point de vue administratif, ce cumul était même, bien souvent, politiquement utile. A l'échelon départemental, le préfet incarnait le pouvoir central, et le député représentait le citoyen. Ce qui nous importe c'est que, pour une très grande partie du personnel parlementaire, la première étape du cursus honorum dans la vie politique demeure l'exercice d'une fonction élective à l'échelon local. La majorité des candidats aux élections législatives étaient choisis parmi les maires, les conseillers municipaux et les conseillers départementaux. Cette remarque est valable tant pour le milieu du XIXe siècle que pour la fin du XIXe. Plus des deux tiers des députés de la période 1900 à 1940 ont été des élus à l'échelon local avant de devenir des « représentants de la Nation ». Pour la IVe République, la proportion des députés qui ont suivi cette filière est plus faible, en raison du fait qu'au lendemain de la Libération beaucoup de députés provenaient des cadres de la Résistance clandestine contre l'occupant […]. On peut estimer néanmoins que les deux cinquièmes des députés de la IVe République avaient débuté dans les assemblées municipales ou départementales.
     Cette filière était classique pour certaines catégories socioprofessionnelles, notamment les médecins, les petits et moyens agriculteurs, les propriétaires terriens héritiers de la vieille noblesse, les industriels et les commerçants. D'autres catégories professionnelles pouvaient plus facilement brûler l'étape locale. Les députés sans attaches politiques locales étaient surtout des fonctionnaires de la haute administration, des professeurs universitaires, des journalistes parisiens, des officiers supérieurs ou des grands hommes d'affaires.
     L'importance de cette filière varie aussi selon les tendances politiques. Beaucoup de socialistes, communistes, radicaux, républicains populaires ont milité dans leur parti avant d'être désignés comme candidats aux élections législatives ou sénatoriales. Par contre, les autres tendances politiques choisissaient le plus souvent leurs cadres parmi les hommes qui exerçaient déjà des fonctions locales et qui étaient connus dans la circonscription ; ils avaient créé un réseau de relations, ils bénéficiaient d'une certaine popularité. Dès lors, les leaders parisiens des tendances modérées avaient intérêt à les attirer et à leur accorder l'investiture officielle de leur groupement pour les élections législatives. Autrement dit, le député conservateur de la IIIe République a normalement débuté comme candidat indépendant aux élections locales. Le patronage qu'il obtenait ensuite était la confirmation de ses premiers succès politiques à l'échelon local. (4)



8. Si l'on demandait aux meilleurs observateurs de la vie politique française de désigner les cinq cents hommes qui, à leur avis, ont exercé le plus d'influence sur les affaires de l'Etat durant la IVe République, ils s'accorderaient facilement sur une cinquantaine de noms qui s'imposent de toute évidence. L'expérience a été d'ailleurs tentée, et les quelques experts qui ont bien voulu y participer ont dû reconnaître qu'après une première sélection de 50 à 80 personnalités, le choix devenait de plus en plus incertain, puis arbitraire. La technique du pool d'experts semble donner des résultats valables quand il s'agit d'un secteur d'activité (politique étrangère ou financière, par exemple), ou d'une décision définie (Indochine, C.E.D. [Communauté européenne de défense], Sécurité sociale, etc.), autrement dit quand les responsabilités peuvent être plus ou moins localisées, déterminées. Par contre, l'emploi d'une telle technique se révèle malaisée si l'on prétend définir la classe politique d'une nation, reconnaître les 700 ou 800 princes qui gouvernent, car on se heurte à des objections théoriques et à des difficultés pratiques. (4)



9. On peut convenir que les « Index des noms cités » des vingt ou trente principaux ouvrages d'histoire politique et sociale de la IIIe République comprennent généralement les noms des hommes les plus importants de la vie politique française entre 1870 et 1940. A condition de bien choisir ces ouvrages et de combler quelques lacunes flagrantes, on pourrait admettre que ces index nous livrent les noms des hommes les plus influents dans l'arène politique. Cette technique de sélection comporte certes des risques d'erreurs ; c'est pourtant une des plus pratiques et objectives lorsqu'on remonte loin dans le passé politique.
     Sur deux mille noms ainsi retenus on compte seulement quinze cents ministres, secrétaires d'Etat, députés et sénateurs, alors que la IVe République en a connu six mille. Autrement dit, les trois quarts n'ont pas attiré l'attention de l'historien, qui cite par contre une fois sur quatre des personnalités n'ayant jamais détenu de fonctions gouvernementales ou parlementaires. Bien plus, parmi les quinze cents ministres ou parlementaires mentionnés par les historiens, certains ne l'ont pas été en tant que tels, mais en raison de leur activité comme chefs de partis, officiers généraux, ambassadeurs, hauts fonctionnaires, dirigeants de syndicats, capitaines d'industrie, écrivains ou journalistes. C'est plutôt par leur activité ailleurs qu'au gouvernement ou au Parlement qu'ils ont inscrit leur nom dans l'histoire politique. (4)



(1) Siracusa J., mars 2000, « Le montage de l'information télévisée », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 131-132 [Le journalisme et l'économie].
(2) Bonvin F., Faguer J-P., septembre 2000, « Une génération d'autodidactes », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 134 [L'informatique au travail].
(3) Mossuz-Lavau J., Sineau M., 1976, « Les femmes et la politique », Revue française de science politique, vol 26, n° 5.
(4) Dogan M., 1967, « Les filières de la carrière politique en France », Revue de sociologie française, vol 8, n° 4.







 
 
 

 

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