| EXERCICE 90, UNITÉ IV 3.3. Rectifier
CONSIGNE Montrez, en relevant les mots qui s'opposent, comment les auteurs construisent avec en fait l'opposition entre deux représentations.
EXEMPLE Chiffre étonnant pour un adulte qui n'est pas né avec les nouvelles technologies, 67,5 % des 11-20 ans déclarent utiliser régulièrement plusieurs médias en même temps. Selon M. Marc Prensky, ce serait au demeurant l'une des caractéristiques de ces « natifs numériques » que de pouvoir manipuler simultanément les outils tels que les jeux vidéo, la télévision, Internet et les téléphones portables. Ils sont toujours placés à portée de mains, sont partie intégrante de leur vie et personnalité et font l'objet d'usages croisés (téléchargement de jeux sur Internet, gestion des photographies sur l'ordinateur par Bluetooth…). A ce titre, la génération numérique est en fait une génération multimédia, qui jongle avec les affichages multi-fenêtres, les différents outils, et les juxtapose sans difficulté. (46 : 2008-2009)
RÉPONSE Les mots qui s'opposent : numérique / multimédia
1. Le phénomène techno, et en particulier l'apparition des free parties, ferait […] partie des signes permettant au sociologue attentif de déceler le passage d'une société moderne à une société postmoderne. Le penseur de la postmodernité interprète ainsi les free parties comme révélatrices du fait que « l'idéal démocratique laisse aujourd'hui place à un idéal communautaire. L'individu autonome, rationnel, n'a rien d'universel mais s'avère être au contraire une création historique, le pivot de l'ère moderne ». Dans les free parties on pourrait, selon ce type de théories, apercevoir des personnes qui, sous l'emprise de drogues diverses et d'une musique répétitive, auraient perdu toute rationalité, toute personnalité, toute autonomie : « On passe de l'autonomie, « Je suis ma propre loi » à l'hétéronomie, « Ma loi c'est l'autre ». Nous assistons en fait à un retour des formes archaïques, à un retour de la tribu où l'homme existe par et pour le regard de l'autre. » ; « Notre difficulté à le comprendre, à l'accepter s'explique par le fait que cela signe l'annihilation complète de l'individu. ». (1)
2. Les auteurs de Raver notaient déjà, parlant des free parties, que « la fête se déroule dans un respect mutuel d'autrui. La plupart du temps, les danseurs ne se parlent pas ». De même, Guillaume Kosmicki affirme dans son article « Les raves et la techno » que la « transe » ressentie par les participants est « en fait plus individuelle que collective […] Jamais la totalité du public d'une rave n'entrera en transe simultanément […] elles ne touchent pas tout le monde au même moment […] En aucun cas on est certain d'entrer en transe en participant à une rave. Tout cela dépend de l'expérience personnelle des ravers ».
3. Ce premier aperçu de quelques représentations du déroulement de ces fêtes contraste avec l'image médiatique d'une recherche effrénée du plaisir. Est-ce là nier la dimension hédoniste inhérente aux free parties ? Les free parties sont bien un lieu de fête véritable. Mais elles ne sont pas nécessairement le lieu d'un défoulement orgiaque sans limite. La house music, à la suite du disco, génère à la rigueur dans certaines boîtes de nuit des formes de participation qui nous semblent mieux correspondre à cette image radicale de la fête. La transgression, la transcendance, l'absence de limite, le dérèglement corporel, la rupture avec le quotidien, la transgression de l'ordre social et des interdits, les situations « hors règles », le fait de dépasser sa propre condition, de surmonter sa « normalité », ou encore la « fusion collective » : toutes ces expressions sensées décrire l'expérience des free parties ne permettent en fait pas du tout d'en saisir la spécificité, mais s'appliquent tout autant, voire beaucoup plus, à certaines boîtes de nuit. Or, il semble problématique qu'un discours appliqué aux free parties puisse tout aussi bien s'appliquer au milieu des boîtes de nuit, alors que les adeptes des free parties considèrent l'univers des boîtes comme absolument opposé au leur.
4. Le rôle des médias n'est […] pas à négliger, en Grande-Bretagne puis en France, dans la mise en place et l'application de restrictions ou de tracasseries administratives vis-à-vis du mouvement rave. Or c'est cette première vague de « répression » (plutôt que la seule envie de répondre à un appel ancestral de communion fusionnelle), et en particulier l'injonction de fermer les boîtes de nuit à deux heures du matin, qui va pousser les organisateurs de fêtes acid-house à délaisser les boîtes de nuit au profit de lieux moins « convenus ». Quelques années plus tard en France, les organisateurs de soirées techno se heurtent eux aussi aux refus et aux interdictions. Mais de ces interdictions, les organisateurs tirent en fait une légitimité et une énergie supplémentaire.
(1) Tous les passages sont extraits de Tessier L., 2003, « Musiques et fêtes techno : l'exception franco-britannique des free parties », Revue Française de Sociologie, vol. 44, n° 1.
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