Développement   

 

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EXERCICE 13, UNITÉ III
1.3. Les marqueurs de cause à valeur explicative


CONSIGNE
Complétez les blancs par plus ou moins.



1. […] il faut se représenter la vie en banlieue comme un espace où il est très difficile de vivre, où les gens sont vulnérables. On est d'autant ________ vulnérable que l'on dispose de ressources, de réserves, et en particulier de conditions d'habitat confortables. Certains espaces, certaines cités sont des territoires tellement vulnérables que les gens y vivent avec un sentiment de méfiance, d'insécurité. Si on voulait être rigoureux, il faudrait s'interdire de parler de la banlieue comme si c'était un ensemble de situations homogènes. Il y a aussi en banlieue et même dans des cités des espaces que les habitants investissent positivement et dans lesquels ils vivent paisiblement. (1)



2. Pour comprendre ce qui se passe dans le tissu urbain des banlieues défavorisées, il ne suffit pas d'étudier des comportements ou des attitudes, il faut aussi arriver à saisir de façon fine la stratification sociale qui y prévaut, c'est-à-dire l'extraordinaire enchevêtrement de couches sociales différenciées, de rapports entre générations et de réseaux de communication, qui structure les relations sociales. Pour ce faire, l'analyse en termes traditionnels de classe ou de composition socio-professionnelle ne peut être retenue, car elle a le désavantage de laisser échapper beaucoup de données capitales, notamment culturelles. Cela est d'autant _______ vrai que, dans un tissu urbain comme celui de Seine Saint-Denis (pris ici comme paradigme) il n'y a plus aujourd'hui les vieilles forces d'encadrement, d'intégration et d'homogénéité que représentaient le parti communiste et la C.G.T. [Confédération Générale du Travail] il y a encore quelques années. Les « habitus » en tant que matrices des conduites se sont beaucoup modifiés, les systèmes de représentation se sont diversifiés et les schémas d'interprétation de la réalité sociale se sont transformés. (2)



3. Comme toutes les études faites en France et en Allemagne le montrent, les jeunes femmes qui essayent d'aménager les rapports sociaux pour s'y déployer plus librement apparaissent comme très éloignées, dans leur majorité des positions conservatrices. Les classes d'âge au-dessus de quarante-cinq ans en général n'acceptent pas facilement ces mutations culturelles, mais elles ne peuvent guère leur opposer leur propre culture qui est elle-même en voie de délitement. Sous sa forme communiste ou socialiste (social-démocrate en Allemagne), cette culture était organisée sur le plan politique autour de pratiques de promotions sociales et de réformes de la société centrées sur l'Etat-Providence. Depuis que l'Etat-Providence à la fin des années soixante-dix est confronté à des difficultés grandissantes (financement de ses activités et de la protection sociale notamment) elle semble ne plus avoir de pertinence, puisque les politiques de réforme et de plein emploi deviennent apparemment impossibles. Aussi bien cette ancienne culture ne survit-elle que sous la forme de la nostalgie ou de la protestation entêtée ou encore sous la forme de l'attachement à des relations d'organisation (le syndicat comme forme de vie par exemple). Elle se sent d'autant __________ effective qu'est venu s'ajouter à la crise récurrente de l'Etat Providence l'effondrement des pays de l'Est et du « socialisme réel » étatiste. (3)



4. Les émeutes de l'automne 2005 avaient été précédées de plusieurs mini-émeutes de basse intensité. Ce qu'elles ont rendu visible pouvait déjà être pressenti auparavant, à savoir l'association de plus en plus nette entre inégalités sociales et discriminations raciales. Encore faut-il préciser le sens du terme « discrimination » : toute « discrimination » ne se confond pas avec du racisme. L'une est un acte, l'autre est une intention. Un raciste peut employer des noirs par opportunisme, de même qu'un non-raciste peut faire de la discrimination pour d'autres motifs que le racisme. Le fait nouveau concernant les discriminations, c'est que celles-ci portent désormais sur des Français nés en France, stigmatisés à cause de leur origine. Ils ressentent d'autant ________ durement cette discrimination qu'ils sont de nationalité française et sont souvent diplômés. (4)



5. Pays d'immigration, la France voit ses capacités d'intégration marquer le pas ; dans une société minée par un chômage structurel de masse, les difficultés d'insertion sur le marché du travail avivent les frustrations et les rancœurs. Pour autant, la revendication des droits, dans la plus pure tradition républicaine « à la française », c'est-à-dire dont l'État est le garant, n'est pas absente. C'est l'analyse que fait Robert Castel. Ce qu'expriment aujourd'hui « les jeunes » des banlieues, ce que manifestent les explosions spontanées sur le modèle des « émotions » populaires que l'histoire a connues, serait une revendication plus qu'un refus : celle de participer aux droits promis ; une attente sociale, que les politiques publiques n'arrivent pas à combler. Paradoxe de la situation : l'expression, y compris violente ou désespérée, traduit d'autant ___________ l'incorporation du répertoire des droits que la discrimination négative vécue est plus forte. (5)



6. Au cours des trois premières semaines de novembre 2005, l'émeute des jeunes des cités, née de l'émotion suscitée par deux jeunes « morts pour rien » à Clichy-sous-Bois le 27 octobre s'est étendue rapidement à l'ensemble du territoire et s'est prolongée pendant trois semaines environ : dans la nuit du 6 au 7 novembre, 274 communes étaient concernées. Pourtant, alors même que la direction de la police observait une forte décrue des violences, le mercredi 9 novembre, un décret instaurait l'état d'urgence et, le 18 novembre, cette mesure exceptionnelle était prorogée pour trois mois alors que plus aucune commune n'était soumise au couvre-feu. Le 3 janvier, un décret signé par le Président de la République y mettait fin. Selon le bilan du ministère de l'Intérieur établi au 30 novembre, 4 770 interpellations avaient été réalisées, dont près de la moitié après la fin des incidents, débouchant sur 4 402 gardes à vue, et 763 individus avaient été écroués, dont plus d'une centaine de mineurs. Il est difficile de cerner avec précision les propriétés sociales des émeutiers : d'autant __________ que les données sont un enjeu de luttes. Pour les uns – à commencer par le ministre de l'Intérieur – il s'agissait de les disqualifier en les créditant d'un lourd passé délinquant, pour les autres de les qualifier politiquement en les rapprochant autant que faire se pouvait de l'idéal type du « jeune chômeur révolté » ou – nouvelle figure – d'un « indigène de la République » en lutte contre « la République néo-coloniale ». (6)



7. La vague d'émeutes urbaines survenue en France dans les cités de banlieue à l'automne 2005 aura surpris tout le monde. Jamais en effet des troubles de cette nature n'avaient connu une telle ampleur en France – mais aussi en Europe –, tant par leur intensité que par leur durée et leur échelle. […] Si on reprend les deux événements déclencheurs (la mort de Zyed et Bouna d'un côté, la grenade lacrymogène lancée sur la mosquée de l'autre), ils ont été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. De sorte que ces incidents permettaient à la fois de confirmer et de voir autrement ce qui se passe dans le monde des cités pauvres. L'hypothèse de départ était donc la suivante : c'est la tension entre déni de citoyenneté et aspiration égalitaire, d'un côté, expérience de l'indignité et demande de respect, de l'autre, qui donne sens à ces scènes d'autant __________ facilement qualifiées de « violences urbaines » que ces aspects ont été assez largement impensés. (7)



8. On peut […] imaginer que plus une société est intégrée sur un mode communautaire, plus elle ouvre d'espace à la violence tolérée, de la même manière que les écoles autoritaires étaient celles qui autorisaient les chahuts les plus violents et les plus éloignés d'une action contestataire. Si l'on accepte ce raisonnement fonctionnaliste des plus traditionnels, […] il reste que la violence actuelle des jeunes des banlieues et des cités peut être d'autant __________ vivement ressentie et donc d'autant _________ violente, qu'elle se déroule dans un type de société où les régulations communautaires se sont considérablement affaiblies. Sans connivence des adultes, sans accord sur les normes qui permettent qu'il « faut bien que jeunesse se passe », les violences juvéniles paraissent s'inscrire dans la chaîne d'une violence générale. (8)



9. Les désordres du bruit, des défis, des bagarres, de l'oisiveté des jeunes qui « tournent » dans la cité sont d'autant __________ perçus comme des violences que les adultes ne se sentent plus la capacité d'intervenir et que les jeunes, qui ne les connaissent guère, ne leur en accordent pas le droit. Aussi la règle est-elle d'éviter les contacts car il n'existe guère de modèle régulé de gestion des tensions, comme le révèle l'actualité des faits divers où des habitants excédés tirent à la carabine sur les jeunes de la cité. (8)



10. Il n'est […] pas certain qu'un(e) jeune issu(e) des classes populaires* […] se sente particulièrement à l'aise dans un des quartiers les plus chics de Paris, avec ses boutiques huppées, ses cafés très « propres » sur eux, etc. […] Ce malaise sera d'autant _____________ fort que l'affaire dite des « ZEP* de Sciences Po » a fait couler beaucoup d'encre et de sueur dans les colonnes des quotidiens français, et imprimer sans aucun doute quelques mètres de pellicule. Avec une telle publicité, les jeunes promus bénéficiaires de cette affirmative action d'un type assez particulier devraient concentrer quelque peu l'attention de leurs camarades « normaux ». (9)

*Jeune auquel est désormais offert la possibilité d'entrer à l'Institut d'études politiques (Sciences Po) par des procédures d'admission spéciales.
*ZEP : zone d'éducation prioritaire



(1) D'après Castel R., 2007, http://www.liberation.fr/interactif/chats_home/chats/chat_culture/296515.FR.php., consulté le 10.03.08.
(2) Negri T., Vincent J-M., http://multitudes.samizdat.net/Banlieue-et-ville-un-regard, consulté le 10.08.08.
(3) Negri T., Vincent J-M., 2005, « Banlieue et ville : un regard philosophique », http://www.banlieue.info/article.php?id_article=3, consulté le 10.08.08.
(4) Pasquier E., dehttp://www.mshparisnord.org/mardis/CR-Souffrance.pdf, consulté le 12.03.08.
(5) http://www.editions.ehess.fr/revues/numero/penser-la-crise-des-banlieues, consulté le 12.03.08.
(5) Banlieue et ville : un regard philosophique, 2005, http://www.banlieue.info/article.php?id_article=3, consulté le 12.03.08.
(6) Mauger G., 2006, http://institut.fsu.fr/nvxregards/34/mauger.htm, consulté le 8 mars 08.
(7) Kokoreff M., Steinauer O., Barron P., http://sociologies.revues.org/document254.html, consulté le 08.03.08.
(8) Dubet F., http://www.eurowrc.org/05.education/education_fr/viraj/08.viraj.htm, consulté le 08.03.08.
(9) Le Lay S., 2002, Mouvements, n° 20.




 
 
 

 

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