| EXERCICE 2, UNITÉ III 1.2. Les marqueurs de cause à valeur justificative
CONSIGNE Encadrez par des astérisques (***) ce que justifie [puisque Q] et précisez le type de justification : A : justification qui s'appuie sur une information énoncée dans le texte B : justification qui s'appuie sur des évidences, des connaissances supposées connues auxquelles fait appel le scripteur pour son raisonnement
EXEMPLE La réussite incontestable des filles dans leurs études ne trouve pas complètement sa traduction dans la vie professionnelle, puisque leurs carrières et leurs rémunérations restent en retrait par rapport à celles des hommes. (404 : 2007-2008)
RÉPONSE ***La réussite incontestable des filles dans leurs études ne trouve pas complètement sa traduction dans la vie professionnelle,*** puisque leurs carrières et leurs rémunérations restent en retrait par rapport à celles des hommes.
Justification : B
1. Voici un jeune Romain qui possède à la fois une belle esclave et un beau cheval ; mais la passion de l'équitation l'emporte sur l'amour. On peut dire que son cheval lui coûte cher, puisqu'il lui coûte sa maîtresse qu'il délaisse entièrement. Au fond, ce cas diffère-t-il essentiellement de celui où, possédant l'esclave mais non le cheval, il aurait vu celui-ci chez un ami, en aurait eu envie et l'aurait échangé contre l'esclave ? (1)
2. Quelle nécessité logique y a-t-il dans la série des étapes qui conduisent de l'adoration des fétiches puis des idoles en plein air, à un autel découvert, puis abrité, ensuite à un temple dont l'autel n'occupe qu'une faible et enfin une très faible partie ? On suit très bien, d'après M. Albert Réville, cette « genèse du temple » dans le Pérou de Jucas ; chez les Hébreux aussi, et chez les Grecs. Cette nécessité logique ou plutôt téléologique, c'est, par analogie, celle qui a fait se succéder des inventions capitales pour satisfaire de mieux en mieux au besoin d'abri. On a dû, naturellement, puisqu'on prêtait aux dieux les besoins de l'homme, les abriter selon la manière usitée parmi leurs adorateurs. Chez les troglodytes, il est probable qu'on les a nichés dans des grottes ouvertes, c'est-à-dire en plein air ; le fétiche de l'homme des cavernes avait sans doute son anfractuosité à lui ; chez les nomades, l'idole avait sa tente à elle, comme le prouve l'arche d'alliance des Hébreux, et, quand on apprit à construire des maisons, grâce à la découverte du bronze et du fer, – des maisons de bois, de brique, de pierre. (1)
3. […] ce qui creuse un abîme entre les deux morales [la morale ancienne et la morale moderne], c'est que, dans la morale grecque, l'idée de l'immortalité ou de la vie future ne joue aucun rôle. Il ne pouvait en être autrement, puisque le problème essentiel, on doit même aller jusqu'à dire le problème unique, est celui du bonheur, entendons le bonheur terrestre et dans les conditions de la vie présente. Si l'on admet, par hypothèse, que la morale enseigne aux hommes les moyens de réaliser le souverain bien, lequel équivaut au bonheur, il n'est rien à chercher au-delà : tout bien ultérieur ne pourrait être que surérogatoire. Et telle est précisément l'hypothèse dans laquelle se sont placées, sans exception, toutes les morales anciennes. Ce sont les modernes qui, sous l'influence du christianisme, ont considéré le monde actuel comme mauvais, la nature comme corrompue, et qui, par suite, ont désespéré du bonheur ici-bas. Les Grecs, étrangers à cette désespérance, sont restés essentiellement optimistes. Ils croyaient à la bonté de la nature ; pour être heureux, il suffisait de se conformer à l'ordre naturel. Les Epicuriens même disent en parlant de la nature : amantissima nostri natura. Il n'est pas exagéré de dire que la morale telle qu'on l'enseigne le plus souvent aujourd'hui repose tout entière sur la croyance à la vie future. Cette croyance disparue, elle s'effondrerait. On ne se désintéresse du bonheur dans la vie présente qu'à la condition de retrouver dans l'autre monde un bonheur plus grand et plus sûr. C'est l'ajournement d'une espérance bien plutôt qu'une renonciation. Rien de pareil dans la philosophie grecque, puisque le bonheur humain ne diffère pas du souverain bien. (2)
4. L'explosion de la Révolution, loin de consolider le crédit de l'Etat, consomma sa ruine. Les anciens impôts furent supprimés. Ceux qui furent établis en remplacement, la contribution foncière qui frappait la terre, la contribution mobilière qui frappait le revenu attesté par le loyer, la patente qui frappait les bénéfices du commerce et de l'industrie, rentrèrent difficilement pour des raisons multiples. Il fallait confectionner les rôles, dresser un nouveau personnel. Les municipalités chargées de la perception n'étaient pas préparées à leur tâche. Puis les contribuables, surtout les aristocrates, n'étaient pas pressés de s'acquitter. L'Assemblée n'avait rien voulu demander aux impôts de consommation. Elle les estimait iniques puisqu'ils frappent également des fortunes inégales. Or, des dépenses supplémentaires s'ajoutaient aux anciennes. Il fallut, en raison de la disette, acheter beaucoup de blé à l'étranger. (3)
5. La révolution ne pouvait venir que d'en haut. Le peuple des travailleurs, dont l'étroit horizon ne dépassait pas la profession, était incapable d'en prendre l'initiative et, à plus forte raison, d'en saisir la direction. La grande industrie commençait à peine. Les ouvriers ne formaient nulle part des groupements cohérents. Ceux qu'enrôlaient et subordonnaient les corporations étaient divisés en compagnonnages rivaux plus préoccupés à se quereller pour des raisons mesquines qu'à faire front contre le patronat. Ils avaient d'ailleurs l'espoir et la possibilité de devenir patrons à leur tour, puisque la petite artisanerie était toujours la forme normale de la production industrielle. Quant aux autres, à ceux qui commençaient à être employés dans les « manufactures », beaucoup étaient des paysans qui ne considéraient leur salaire industriel que comme un appoint à leurs ressources agricoles. (3)
6. Si on songe que, dans cet hiver de 1791-1792, la vente des biens d'Eglise est déjà fort avancée, puisqu'il en a été vendu au 1er novembre 1791 pour 1 526 millions, on se rend compte des grands intérêts qui poussent les paysans. La guerre menace. Son enjeu est formidable. Si la Révolution est vaincue, la gabelle, les aides, les tailles, les dîmes, les droits féodaux déjà supprimés seront rétablis, les biens vendus restitués à l'Eglise, les émigrés reviendront altérés de vengeances. Gare à leurs manants ! Ceux-ci frémissent à cette pensée. (3)
7. […] qu'est-ce qui fait, suivant les socialistes, l'infériorité des classes ouvrières et l'injustice dont il [le socialisme] les déclare victimes ? C'est qu'elles sont placées sous la dépendance immédiate, non de la société en général, mais d'une classe particulière, assez puissante pour leur imposer ses volontés propres : j'ai nommé les capitalistes. En effet, les travailleurs n'ont pas directement affaire à la société ; ce n'est pas elle qui les rémunère immédiatement, c'est le capitaliste. Mais celui-ci est un simple particulier qui, comme tel, se préoccupe, et cela légitimement, non des intérêts sociaux, mais des siens propres. Les services qu'il achète ainsi, il cherche donc à les payer, non suivant ce qu'ils valent socialement, c'est-à-dire suivant le degré exact d'utilité qu'ils ont pour la société, mais le moins cher possible. Or, il a entre les mains une arme qui lui permet de contraindre ceux qui ne vivent que de leur travail à lui en vendre le produit au-dessous de ce qu'il vaut réellement. C'est son capital. Il peut, sinon toujours, au moins pendant longtemps, vivre de la richesse accumulée dont il dispose au lieu de l'employer à faire travailler des ouvriers. Il n'achète donc leur concours que s'il veut, quand il veut, tandis qu'eux, au contraire, ne peuvent attendre ; il leur faut vendre sans tarder la seule chose qu'ils aient à vendre, puisque, par définition, ils n'ont pas d'autre moyen pour subsister. Ils sont donc obligés de céder, dans une certaine mesure, aux exigences de celui qui les paie et d'abaisser les leurs au-dessous de ce qui devrait être si l'intérêt public servait seul de mesure à la valeur des choses, et, par conséquent, ils sont forcés de se laisser léser. (4)
(1) Tardé G., 1895, La Logique sociale. (2) Brochard V., 1901, « La morale ancienne et la morale moderne », Revue philosophique. (3) Mathiez A., 1922, La Révolution française. (4) Durkheim E., 1928, Le socialisme.
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