Développement   

 

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EXERCICE 80, UNITÉ IV
3.2. Présenter le point de vue définitif


CONSIGNE
Précisez ce que les auteurs remettent en cause et ce qu'ils présentent comme juste dans la phrase ou le passage où est employé
en fin de compte.



1. Par ses divisions et ses spécialités, la sociologie a parfois eu tendance à réifier les frontières entre la vie privée et la vie professionnelle, entre la vie familiale et la vie professionnelle. Elle a parfois tendance à concevoir que ce qui relève du monde professionnel est étranger aux dimensions privées, individuelles, personnelles, intimes de la vie. Mais le monde professionnel peut aussi être un espace où se tissent des relations amicales, des relations qui dépassent les seules modalités liées à l'exercice de la profession. Il n'est pas rare de partager d'autres choses que des dossiers ou des tâches avec ses collègues de travail : un repas, des photos des enfants, des loisirs comme le sport, des sorties comme le cinéma, des invitations… voire des vacances, des week-end… Une relation amicale peut venir se superposer à une relation professionnelle.
     Cette sphère professionnelle peut constituer un espace d'épanouissement personnel et, très souvent, un espace qu'on ne partage pas avec son conjoint : on peut trouver dans ses activités professionnelles un lieu pour soi, où le conjoint n'est pas forcément associé. De ce point de vue, il n'est pas étonnant que les portables très individualisés permettent, plus souvent que les autres [moyens de communication], de communiquer avec des relations de travail. Dire qu'un portable est utilisé pour des raisons professionnelles ne signifie pas que ce portable est « professionnel » c'est-à-dire que la nature des relations en jeu dans les communications de nature professionnelle est exclusivement professionnelle : on peut discuter et communiquer avec un collègue de travail sans que ces discussions et communications relèvent d'une logique radicalement différente de la logique régissant les relations amicales voire amoureuses.
     En fin de compte, la vie au bureau ou en usine, les amitiés ou complicités nées en entreprise, l'activité professionnelle et le plaisir qu'on peut y prendre offrent des lieux pour l'individualisation, c'est-à-dire, ici, pour l'affirmation d'une identité différente de l'identité de père ou de mère, de mari ou de femme. La vie professionnelle peut constituer une dimension essentielle et valorisée de vie des individus. Il n'est dès lors pas étonnant que ceux qui accordent de l'importance à leur vie professionnelle utilisent plus que les autres leur portable à des fins professionnelles. (1)



2. Le croisement des deux indicateurs synthétiques, celui exprimant le niveau d'individualisation du portable et celui traduisant le degré d'individualisation de la vie de couple, montre l'existence d'une relation très forte entre ces deux dimensions de la vie de couple. En fait, tout porte à croire que les formes d'usage du portable dans un couple ne sont que le reflet, quasiment direct, des formes de vie dans ce couple. La mesure de l'individualisation du portable n'est qu'une mesure particulière, donc partielle, de l'individualisation de la vie de couple mais elle en est révélatrice. Les portables sont très souvent partagés sinon partageables dans les couples plutôt fusionnels ; les portables très individualisés appartiennent souvent à des individus dont le couple est très individualisé : 46 % des personnes en couple fusionnel et 74 % des individus en couple en couple individualisé ont un usage fortement individualisé de leur portable.
     En fin de compte, l'individualisation du portable n'est qu'une dimension particulière de l'individualisation de la vie dans les couples. Il ne s'en distingue pas de manière fondamentale : les individus ayant les comportements les plus individualisés sont aussi ceux ayant un usage souvent individualisé du portable ; et inversement, les couples les plus fusionnels sont aussi ceux où le portable est souvent partagé sinon partageable. Cette nouvelle technologie ne semble rien apporter de nouveau ou de différent. (1)



3. La logique d'évaluation et la logique identitaire permettent […] de comprendre pourquoi l'appropriation de certains des appareils dont le conjoint était le spécialiste a pu se faire sans trop de difficultés. C'est le cas pour les biens d'équipement ménager comme le lave-linge, le congélateur ou le four qui, aux yeux de la plupart des veufs rencontrés, paraissent simples d'utilisation (logique d'évaluation) et qui ne leur sont pas complètement étrangers (logique identitaire). En effet, les hommes ont souvent acquis une certaine familiarité avec ces appareils soit en regardant leur femme les utiliser, soit en les manipulant eux-mêmes en donnant des « coups de main » au cours de la vie conjugale, soit parce qu'ils ont pris les tâches domestiques à leur charge avant le décès de leur épouse, lorsque celui-ci est intervenu au terme d'une phase de maladie. En fin de compte, l'appropriation des appareils techniques qu'utilisait le conjoint semble, dans notre corpus, être source de difficultés moindres pour les hommes que pour les femmes : pour elles, le transfert d'usage de la voiture fait problème (dans ce cas, avoir vu son conjoint conduire ne suffit pas, bien évidemment, pour pouvoir se lancer) alors même que l'automobile joue un rôle de premier plan dans la réorganisation de l'existence après le veuvage, en facilitant les sorties et l'engagement dans des activités extérieures. (2)



4. Mais qui donc était Jules Borie ? Un ancien élève de la modeste Ecole des Mines de Saint-Etienne, issu de sa promotion de 1835. L'annuaire des anciens élèves de 1880 nous livre un bout de sa trajectoire professionnelle : « Jules Borie, inventeur des briques creuses et des machines à les fabriquer, administrateur des houillères de l'Illyrie, ingénieur civil à Paris »... Le premier titre évoqué attire du coup notre attention sur une petite note de ses Aérodomes, composée en petits caractères et refoulée en bas de page : Borie y détaille le matériau avec lequel sont construits les gradins supérieurs de ses aérodomes : des briques creuses à petits trous, égales en résistance aux briques pleines tout en étant bien plus légères et moins conductrices du son, de l'humidité et du « calorique ». Leur résistance et légèreté combinées permettent ainsi de les empiler pour former un mur jusqu'à 143 mètres de hauteur « en toute sécurité quant à l'écrasement », a calculé précisément Borie... Mais ces briques creuses, comment les fabriquer ? C'est là que nous retrouvons Jules Borie et son frère Paul, inventeurs brevetés de machines spéciales, primées à l'Exposition nationale de Paris en 1849, puis aux Expositions internationales de Londres en 1851 et de Paris en 1855. De leur atelier de la Muette, s'écoulent bien des briques creuses auxquelles les qualités reconnues et le bon marché assurent un certain essor... Mais dans la décennie suivante, le jury de l'Exposition de Paris de 1867 nous informe de l'« usage courant » et de la « fabrication dans tous les pays » de telles briques creuses.
     Dans ce nouveau contexte fortement concurrentiel, la démarche technologique de Borie s'explique : l'édification intellectuelle de ses aérodomes aux multiples vertus économiques, sociales et hygiéniques, n'est-elle pas une manière de relancer ses machines et ses briques creuses, levier et clef de voûte respectifs en somme de son utopie urbaine ? Où l'on voit donc, en fin de compte, comment une machine modeste peut devenir dans la tête de son inventeur le levier potentiel d'une puissante révolution architecturale... Car si Borie ne nie pas le progrès qu'apporte en matière d'urbanisme la révolution haussmannienne en cours, « telle est la nature de ce progrès qu'il en appelle impérieusement de nouveaux » ! Justement, même… (3)



(1) Martin O., De Singly F., 2002, « Le téléphone portable dans la vie conjugale. Retrouver un territoire personnel ou maintenir le lien conjugal ? », Réseaux, n° 112-113.
(2) Caradec V., 2001, « "Personnes âgées" et "objets technologiques" : Une perspective en termes de logiques d'usage », Revue Française de Sociologie, vol. 42, n° 1.
(3) Ribeill G., 2001, « De l'objet technique à l'utopie sociale. Les ressorts de l'imaginaire technologique des ingénieurs au XIXe siècle », Réseaux, n° 109.






 
 
 

 

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