Développement   

 

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EXERCICE 44, UNITÉ IV
1.6. Renforcer


CONSIGNE
Repérez la phrase où est employé d'ailleurs, puis ce sur quoi elle porte dans le contexte antérieur.

EXEMPLE
La « demande » sociale croissante de sécurité, la flambée des idéologies sécuritaires depuis près de deux décennies et l'apparent consensus sur ce sujet dans l'ensemble de la classe politique pèsent de tout leur poids aujourd'hui non seulement sur l'ensemble du système pénal mais aussi, et c'est le point qui concernera notre analyse, sur la gestion des prisons et la situation de travail des surveillants. La fonction des surveillants est d'abord sécuritaire. L'article 1er de la loi du 22 juin 1987, relative au service public pénitentiaire, précise que les surveillants de prison « participent au maintien de la sécurité publique » ; c'est d'ailleurs en considération de leur rôle d'agents de la sécurité publique qu'ils revendiquent un alignement de leur statut sur celui de la police. Dans la pratique quotidienne, leur travail et leur responsabilité concernent avant tout la sécurité. A la question sur la façon dont ils définissent eux-mêmes leur mission actuelle réelle, 40 % des surveillants mentionnent exclusivement leur rôle de garde et de sécurité, 40 % caractérisent leur fonction en termes de garde et de sécurité en y ajoutant un rôle de contact humain ou de réinsertion, 5 % la définissent en référence à une mission de service public (protéger la société de ses délinquants) et 15 % la décrivent en termes essentiellement négatifs : « On a seulement un rôle de porte-clef ». (1)

RÉPONSE
La phrase où est employé d'ailleurs porte sur : la principale fonction des surveillants de prison est de maintenir la sécurité.



1. […] nul doute que l'équilibre social – toujours précaire – de la prison n'est maintenu et le contrôle de la population pénale assuré que s'il existe un minimum d'entente, une « paix armée », entre les surveillants et les détenus, si les premiers sont en situation d'obtenir la coopération de ces derniers, s'ils peuvent être pour eux des référents et s'ils peuvent jouer un rôle de tiers nécessaire dans les rapports entre détenus. C'est dire qu'un véritable contrôle de la population pénale passe par un système d'échanges sociaux qui emprunte son modèle aux échanges de la vie ordinaire comme aux présupposés des rapports thérapeutiques ou pédagogiques (qui existent d'ailleurs actuellement à l'intérieur de la prison avec des professionnels). Pourtant ces moyens ne sont pas légalement reconnus aux surveillants, qui doivent les inventer et les construire de façon informelle à travers l'épreuve du face-à-face avec les détenus et de ses essais et erreurs.



2. En détention, les surveillants sont de plus en plus absorbés par diverses tâches de contrôle qui accroissent leur charge de travail au détriment des relations de services aux détenus (également réduites par le surpeuplement, en maison d'arrêt). C'est en effet – comme l'a bien montré L. Lombardo (1981), et ses propositions se vérifient dans les prisons françaises – à l'occasion des services qu'ils peuvent rendre aux détenus que les surveillants obtiennent leur coopération. C'est notamment en les écoutant, en répondant à leurs demandes de conseil ou de renseignement et en jouant pleinement leur fonction de relais entre les détenus et l'ensemble des services et des personnels de la prison qu'ils appuient leur autorité sur une base légitime. On ajoutera que c'est aussi par ce moyen qu'ils s'instituent en position de tiers nécessaires dans les relations entre détenus et parviennent à assurer pacifiquement la sécurité interne des prisons. Dans cette position ils peuvent d'ailleurs bénéficier de retombées utiles à la sécurité : un « bon surveillant », aux yeux des détenus, recevra des confidences ou des dénonciations relatives à la sécurité, qu'il les ait ou non sollicitées.



3. Qu'il s'agisse de formation professionnelle, d'enseignement scolaire, de sport, de travail pénal ou de loisirs, les activités contribuent largement au maintien de l'ordre. Les détenus « occupés » sont distraits de leurs soucis, déchargent leurs tensions, voient les journées passer plus rapidement. La présentation annuelle des statistiques d'activités dans les prisons est à cet égard significative : en centrale et en maison d'arrêt, l'étalon de mesure est moins la finalité d'un projet cohérent de réinsertion que le nombre des détenus occupés. Les surveillants de sport, mais aussi les surveillants d'atelier, font fréquemment référence à leur rôle de « soupape » de la détention. La logique de l'occupation peut d'ailleurs l'emporter sur la logique et le contenu des apprentissages ou sur les contraintes et les objectifs de la production. Les surveillants d'atelier en centrale se plaindront ainsi de ce que la sélection des détenus leur échappe et de ce que bien souvent la direction leur adresse les détenus qui perturbent l'ordre de la détention. Les surveillants de sport, quel que soit l'établissement, font allusion au fait que les directions leur demandent avant tout de faire participer un nombre maximum de détenus à des activités sportives susceptibles de « les fatiguer le plus possible ». Des enseignants iront jusqu'à dire que si les mouvements de détenus se produisent de préférence l'été, c'est parce qu'ils ne sont plus là pour calmer les tensions engendrées par l'enfermement.



4. La faiblesse des moyens professionnels dont disposent les surveillants tient notamment à l'insuffisance de l'information qui leur est transmise sur la situation pénale des détenus. C'est d'ailleurs moins la connaissance de la nature du délit qui leur serait utile que celle des étapes du procès (en maison d'arrêt) ou la durée de la peine et les possibilités de remise de peine ou de permissions de sortie (en centrale). Ils regrettent pour les mêmes raisons de ne pas participer aux commissions d'application des peines, ce qui leur permettrait d'avoir une connaissance plus large de la personnalité et de la vie des détenus. En maison d'arrêt, savoir qu'un détenu va passer aux Assises dans les jours qui viennent, que sa femme l'a quitté ou que la peine prononcée est plus lourde que ce qu'il escomptait permet de comprendre son agressivité ou sa dépression. Les surveillants considèrent d'ailleurs que leur absence des commissions d'application des peines est regrettable puisque ce sont eux qui, en prison, « connaissent le mieux les détenus », à travers ce face-à-face quotidien.



5. Différentes études sur le travail des surveillants convergent pour montrer que leur plainte essentielle quant à leurs conditions de travail tient à l'absence de soutien de la part de la hiérarchie et de l'administration, avec l'isolement social qui en résulte. Cet isolement favorisera le phénomène de « corruption de l'autorité par défaut » […], selon lequel les surveillants préfèrent ne plus infliger de rapports d'incidents aux détenus et ne se battent plus pour faire respecter les règlements afin de ne pas s'en faire des ennemis. Le sentiment d'impuissance des surveillants engendré par la faiblesse des moyens mis à leur disposition, par la crainte de sanctions en cas d'initiative malencontreuse et par la peur des détenus aggrave le mécanisme. L'usure de l'autorité par défaut peut d'ailleurs se conjuguer avec une autre forme de corruption de l'autorité, la « corruption par l'amitié ». Des surveillants « humanistes » qui fondent le sens de leur travail sur le dialogue, l'écoute et l'aide aux détenus se trouveront dans une position inconfortable en cas de transgression des règles par un détenu.



6. Le discours privé des surveillants est traversé par une quête professionnelle fondamentale et périlleuse – une quête de sens : il s'agit de construire une cohérence et d'inventer une dignité du métier, à partir d'activités et de postures multiformes qui sont a priori incompatibles. Là encore, cette recherche est une affaire personnelle difficilement transmissible. Il est d'ailleurs communément admis en prison que « chacun travaille à sa manière ». C'est sans doute dans cette quête personnelle effectuée dans un rapport de face à face sans aucune médiation qu'on peut interpréter ce phénomène « d'ignorance multiple » constaté par K. Kauffman dans les prisons américaines (mais qu'on retrouve en France), selon lequel chaque surveillant est convaincu d'être plus compréhensif vis-à-vis des détenus et plus proche d'eux que l'ensemble de ses collègues, et s'estime à ce titre marginal.
      Dans le contexte du discours privé fondé sur la relation de face-à-face, le détenu est considéré comme une personne particulière, comme « un homme comme les autres » qu'un enchaînement de déterminismes familiaux et sociaux a conduit à un « accident qui pourrait arriver à n'importe qui ». Dans ce contexte, la prison fait l'objet de nombreuses critiques. On y dénonce l'abus de l'enfermement, beaucoup de détenus « n'ayant pas leur place en prison », qu'il s'agisse des petits délinquants, des drogués ou des étrangers en situation irrégulière. On dénonce les lenteurs de la justice et la surpopulation carcérale. La prison est incapable par nature d'assurer la mission de réinsertion qu'elle affiche et qui n'a d'autre objet que de donner bonne conscience à ceux qui la promeuvent, alors que le travail d'insertion et de réinsertion devrait se faire avant et après le passage en prison.
      Ce discours ne peut être tenu sur la scène publique. Il n'est pas non plus communicable à l'intérieur de la prison, sinon sur la base d'affinités et de relations personnelles, ne serait-ce que parce qu'il est fondamentalement déviant. Bien souvent d'ailleurs les surveillants disent que le public ne pourrait comprendre ce discours privé, parce qu'il est aux antipodes du discours public fantasmé sur la prison. Quand la prison dans son ensemble est dominée par le rapport de force institutionnel, la discipline, le règlement et l'autorité formels, toute relation fondée sur l'échange et l'engagement individuel devient illicite et suspecte.



(1) Tous les passages sont extraits de Chauvenet A., Benguigui G., Orlic F., 1993, « Les surveillants de prison : Le prix de la sécurité », Revue Française de Sociologie, vol. 34, n° 3.








 
 
 

 

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