| EXERCICE 43, UNITÉ IV 1.6. Renforcer
CONSIGNE Repérez la phrase où est employé d'ailleurs, puis sur quoi elle porte dans le contexte antérieur.
EXEMPLE Au début des années quatre-vingt-dix, une nouvelle sorte de fête fait son apparition sur le territoire français. N'ayant pas d'existence officielle, le nom que lui donnent ses adeptes fluctue quelque peu : rave, free party ou tout simplement teuf : fête ... ; on l'appellera en tout cas ici free party. […] Étienne Racine rappelle […] qu'en free party « la danse se fait seul, on ne touche pas le premier venu. Si par inadvertance deux ravers se heurtent, dans la plupart des cas ils s'excuseront mutuellement, en faisant un signe de la main accompagné d'un sourire ». Ces dimensions d'orgie, de dépersonnalisation durant le temps de la fête, semblent plus faire partie d'un mythe des free parties que des expériences concrètes des participants. La free party est décrite spontanément par chacun de ces participants à travers l'évocation de son expérience personnelle : se sentir seul(e), se promener au sein d'une multitude de personnes. Les amis sont autant de repères dont on s'écarte pour ensuite les retrouver. Nos interlocuteurs ne semblent d'ailleurs quasiment pas communiquer avec d'autres personnes que leurs propres connaissances. (1)
RÉPONSE La phrase où est employé d'ailleurs porte sur : les amis sont des repères.
1. La culture house de boîte de nuit, aujourd'hui encore bien vivante (en particulier en France) représente une sorte de versant opposé des fêtes techno, à partir de laquelle et contre laquelle les free parties se sont construites. Parlant des boîtes de nuit, Sylvain exprime son opposition sans nuance : « J'aime pas la musique, j'aime pas les gens, j'aime pas m'habiller classe, et puis si c'est pour picoler des whisky à 40 balles toute la soirée au comptoir, non merci... ». Valérie renchérit : « Il y a des gens qui ne vont qu'en free party : tu leurs dis on va boire un coup, ils te répondent « Pourquoi ? : on peut acheter une bouteille et aller dans un square » ; ils veulent absolument pas être dans la consommation des loisirs. » Il existe donc une rupture « idéologique » entre les amateurs de boîtes de nuit, « victimes de la société de consommation », et les adeptes des free parties, défenseurs d'un mode de vie alternatif par rapport à cette société marchande. La gratuité des free parties représente donc un positionnement symbolique, tout en présentant bien sûr un attrait concret. Ainsi, pour Rémi, la musique de boîte house est trop lente pour danser, trop « commerciale » mais surtout le prix d'entrée des boîtes est bien trop élevé. Pour Sandra, c'est d'ailleurs « ce qui a tué les fêtes trance », qui au début de leur existence se déroulaient sur le principe des free parties, et ont fini par se retrouver dans des salles de concert telles que le Bataclan ou Bercy, le prix de l'entrée pouvant monter jusqu'à 30 euros.
2. A l'aube des années quatre-vingt-dix, les premiers sound-systems techno se constituent en Grande-Bretagne sur le modèle des sound-systems punks : ces nouveaux groupes de nomades se nomment Tonka, Sweat, LSDiesel, Conspiracy, Full On, Urban Crews, Techno Travellers, Redlam, Spiral Tribe. Les premières free parties sont organisées sur les plages de Brighton ou dans des squats londoniens. Les acid-house parties se multiplient chaque week-end dans des champs, des squats ou des entrepôts. Elles offrent aux jeunes la possibilité de faire la fête hors des boîtes de nuit, dont les prix sont souvent exorbitants pour le jeune Britannique moyen. Ceci représente d'ailleurs un autre facteur explicatif concret du succès immédiat des free parties en Grande-Bretagne : aller en boîte de nuit, et globalement faire la fête, revient comparativement beaucoup plus cher en Grande-Bretagne que dans d'autres pays européens. Tout d'abord pour une question de pouvoir d'achat, mais aussi en raison de l'organisation des boîtes de nuit britanniques : le prix d'entrée y est élevé, alors que dans d'autres pays comme l'Espagne, l'entrée est souvent gratuite (les bars-boîtes de nuit locaux se rattrapant sur les consommations) ; mais surtout le prix des consommations est exorbitant. Or l'ecstasy, drogue de synthèse qui fut massivement consommée par les jeunes Britanniques adeptes d'acid-house, entraîne un phénomène de déshydratation. Et il était fréquent que les patrons des boîtes de nuit de l'époque refusent de servir un verre d'eau et coupent même volontairement les robinets des toilettes pour obliger les jeunes à consommer. Ce genre de récit est fréquent chez les anciens adeptes d'acid-house et explique en partie la haine que les « teufeurs » entretiennent à l'égard des boîtes de nuit.
3. Il est primordial de souligner que pour tous nos interlocuteurs, la différence entre les free parties et les boîtes de nuit ne se trouve pas tellement dans le fait de prendre ou de ne pas prendre de drogues : les participants peuvent en prendre dans les deux cas. Mais dans les free parties, la prise de drogue n'a pas besoin d'être clandestine, elle fait explicitement partie de la fête, sans « hypocrisie ». Il est certain que l'un des objectifs des fêtes techno (qu'elles se déroulent en club ou en free party) est d'atteindre un état particulier, qui peut être appelé « transe », soit par la drogue, soit par la musique ; souvent par les deux. On retrouve d'ailleurs ici une situation que l'on pourrait rapprocher des recherches de Howard Becker sur les liens unissant le milieu des musiciens de jazz à l'usage de drogues, notamment en ce qui concerne l'apprentissage initiatique de la perception et du goût pour les effets de ces drogues. Il s'agit souvent d'essayer les drogues, d'expérimenter et de se tester. Or, le fait d'assumer et de revendiquer l'usage de stupéfiants place les adeptes des free parties, comme avant eux les musiciens de jazz, dans une position de « déviance » par rapport à une grande partie de la population. Leur groupe est plus stigmatisé que les groupes consommateurs qui préfèrent ne pas « revendiquer » cet usage.
4. Technopol est une des manifestations du militantisme issu du milieu des free parties en France, dont l'objectif est plus politique, médiatique et institutionnel, et vise à faire connaître et reconnaître les cultures et les fêtes techno. On lui doit notamment la mise en place de la Technoparade à Paris. On peut aussi citer Technoplus. Partant du constat de la présence de drogues dans les fêtes techno, Technoplus se charge d'un travail de prévention et d'accompagnement de la prise de drogues en free parties afin de réduire les risques qui lui sont liés. Pour un panorama complet des drogues consommées dans les free parties, de la manière dont elles sont consommées et de leurs risques respectifs, on peut consulter le site technoplus.org. Pour mémoire, l'ecstasy et l'acid sont les drogues traditionnellement les plus consommées dans les fêtes techno britanniques légales puis dans les free parties. Aujourd'hui elles côtoient d'autres substances, notamment la kétamine. On peut rajouter que ce type d'initiative (prévention et assistance dans le cadre des problèmes liés à la prise de drogue – on pourrait d'ailleurs également citer Médecins du monde – est spécifique au milieu des free parties, et n'a aucun équivalent dans le monde des boîtes de nuit où la consommation de drogue, pourtant évidemment présente, reste un tabou.
5. A la fin des années quatre-vingt-dix, on a pu noter une nette évolution des musiques techno, et du regard que la société française porte sur elles ; des actions de Jack Lang [ministre de la Culture] (organisation de la Technoparade en plein Paris) à la professionnalisation du milieu techno (sortie d'albums en CD, concerts dans des salles conventionnelles ou dans des festivals jazz ou rock), en passant par l'intégration dans les « majors compagnies » de l'industrie du disque (Virgin, Sony, Universal, etc.) qui se sont elles-mêmes adaptées aux spécificités du marché techno afin de le « récupérer », en recommençant par exemple à produire des disques vinyles. Dès 1990, la France s'était d'ailleurs « officiellement » mise aux raves parties. Parallèlement aux rassemblements illégaux, de grandes « raves » ont ainsi été organisées au Bourget, à La Défense, soutenues ou relayées par des partenaires médiatiques tels que le magazine Actuel, Libération, les radios Nova et FG. En 1992, les « Transmusicales de Rennes » incluent pour la première fois une fête techno à un festival de rock. Cette démarche a depuis été généralisée. La musique techno s'est donc peu à peu intégrée au paysage musical français.
6. A la fin des années quatre-vingt-dix, grâce au succès international de quelques groupes de house française comme Daft Punk, toute une génération de DJs et de groupes de différents courants des musiques électroniques se constituent autour de l'appellation french touch. Cette « touche » spécifiquement française est d'ailleurs l'exact opposé du son et de l'esprit des free parties françaises, sombres et violents, alors que cette house french touch se révèle la plupart du temps ironique, gaie, festive et « commerciale ».
7. On a […] tenté de développer une hypothèse alternative d'explication de l'apparition et du développement des free parties, en se fondant sur l'analyse des comportements des adeptes des free parties en tant qu'individus rationnels, confrontés à des situations précises. L'explication de cette apparition peut se résumer ainsi : les musiques électroniques techno, house puis acid-house, sont nées au début des années quatre-vingt aux Etats-Unis dans des boîtes de nuit homosexuelles, notamment à New York et Chicago. Grâce au réseau international constitué par ces boîtes de nuit, ces musiques ont pu se répandre en Grande-Bretagne. Cependant, l'association affichée entre drogues de synthèse et acid-house y entraîne une série d'interdictions et de restrictions de ces fêtes, ce qui pousse leurs adeptes à se tourner progressivement vers l'organisation de fêtes illégales, contrairement à d'autres pays européens (Allemagne, Suisse, Espagne, etc.) où les fêtes techno rencontrent le même succès, mais où l'appréhension des problèmes liés à la toxicomanie est différente, et où ces fêtes ne se heurtent pas à la même opposition des médias, puis des pouvoirs publics. Or, l'image rebelle découlant de l'illégalité de ces fêtes, associée à une musique qui se durcit d'autant va créer, à travers les free parties, l'alchimie capable d'attirer un public encore plus large, venant des musiques punk et rock. Mais, quand en 1992 le gouvernement britannique durcit le ton, les organisateurs de ces fêtes sont en majorité obligés de cesser leurs activités ou de s'expatrier en France. La France, pays voisin, appliquant la même politique vis-à-vis des consommateurs de drogues que la Grande-Bretagne, va donc connaître avec un décalage de quelques années les mêmes problèmes et le même schéma de diffusion des free parties : une première interdiction symbolique entraînant une propagation du phénomène (puis sans doute, des mesures restrictives accrues finissant par en avoir raison), alors que dans le reste de l'Europe, le phénomène des free parties est resté relativement marginal. L'application de ces mécanismes permet enfin d'émettre un certain nombre d'hypothèses sur le futur des free parties. L'Assemblée nationale a finalement voté le 31 octobre 2001 l'amendement Mariani. Celui-ci autorise les forces de police à saisir le matériel des organisateurs de free parties, ce qu'elles ne pouvaient pas faire jusqu'à présent. L'application systématique de cet amendement risque concrètement d'entraîner une certaine impopularité du gouvernement chez une partie des jeunes. C'est d'ailleurs sans doute l'une des raisons qui avait, jusque-là, poussé la gauche à le rejeter. Mais, après les « événements du 11 septembre », et à la suite d'une campagne présidentielle dont l'un des principaux thèmes fut la « sécurité », l'application de l'amendement pourrait s'avérer la solution la plus judicieuse.
8. Au début des années quatre-vingt-dix, certains Britanniques étaient partis pour les Etats-Unis, mais sans réussir à générer un enthousiasme comparable à celui de l'Europe. La techno en règle générale, bien qu'« inventée » aux Etats-Unis, n'y a d'ailleurs jamais connu un succès populaire. L'Europe de l'Est semble au contraire constituer un terrain plus favorable pour les travellers qui veulent répandre le son des free parties. La techno y rencontre globalement un grand succès.
(1) Tous les passages sont extraits de Tessier L., 2003, « Musiques et fêtes techno : l'exception franco-britannique des free parties », Revue Française de Sociologie, vol. 44, n° 1.
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