| EXERCICE 4, UNITÉ III 1.2. Les marqueurs de cause à valeur justificative
CONSIGNE Ordonnez la proposition de cause [Q] et la proposition de conséquence [P] dans les différents extraits suivants. Puis ponctuez les phrases ainsi obtenues.
EXEMPLE Pour lui [Rousseau], la société n'est rien si elle n'est pas un corps un et défini, distinct de ses parties. « Le corps politique, dit-il ailleurs, pris individuellement peut être considéré comme un corps organisé, vivant et semblable à celui de l'homme. Le pouvoir souverain représente la tête … les citoyens sont le corps et les membres qui font mouvoir, vivre et travailler la machine et qu'on ne saurait blesser en aucune partie qu'aussitôt l'impression douloureuse ne s'en porte au cerveau, si l'animal est dans un état de santé » (Économie Politique). Seulement, comme - il n'y a de réel et de naturel que l'individu - il en résulte que le tout ne peut être qu'un être de raison
RÉPONSE comme il n'y a de réel et de naturel que l'individu [Q], il en résulte que le tout ne peut être qu'un être de raison. [P] (1)
1. On a voulu, il est vrai, voir une contradiction entre ce passage [du deuxième Discours] et cet autre, que l'on trouve dans l'Essai sur l'Origine des Langues (chap. IX) : « Comment nous laissons-nous émouvoir à la pitié ? En nous transportant hors de nous-mêmes, en nous identifiant avec l'être souffrant... Qu'on songe combien ce transport suppose de connaissances acquises ! Comment imaginerais-je des maux dont je n'ai nulle idée ? Comment souffrirais-je en voyant souffrir un autre ... si j'ignore ce qu'il y a de commun entre lui et moi. Celui qui n'a jamais réfléchi ne peut être ni clément ... ni pitoyable ... » C'est pourquoi les hommes ne se connaissant pas comme frères « se croyaient, dit-il au même endroit, ennemis les uns des autres ... Ne connaissant rien, ils craignaient tout : ils attaquaient pour se défendre. » Comme - cet Essai est postérieur au deuxième Discours - on s'est demandé si la pensée de Rousseau n'avait pas varié, et s'il ne s'était pas rapproché de Hobbes et de la théorie de l'état de guerre Mais ce qui doit faire écarter cette interprétation, c'est que, dans le même chapitre du même ouvrage, on lit : « Ces temps de barbarie étaient le siècle d'or ... toute la terre était en paix ».
2. « Comme - rien n'est moins stable parmi les hommes que ces relations extérieures que le hasard produit plus souvent que la sagesse et que l'on appelle faiblesse ou puissance, richesse ou pauvreté - les établissements humains paraissent, au premier abord, fondés sur des monceaux de sable mouvant » (Deuxième Discours, préface)
3. Quand les causes qui empêchent la conservation de l'homme à l'état de nature se sont développées au delà d'un certain point, il faut, pour que nous puissions nous maintenir, qu'elles soient neutralisées par des causes contraires. Il est donc nécessaire qu'un système de forces soit constitué qui agisse dans ce sens : et puisqu'elles ne sont pas données dans la nature, elles ne peuvent être que l'œuvre de l'homme. Mais « comme - ils n'ont plus d'autres moyens pour se conserver que de former par agrégation une somme de forces qui puisse l'emporter sur la résistance, de les mettre en jeu par un seul mobile et de les faire agir de concert - les hommes ne peuvent engendrer des forces nouvelles, mais seulement unir et diriger celles qui existent Cette somme de forces ne peut naître que du concours de plusieurs ». (Contrat, 1, 6) D'où il suit que leur société constituée est le seul milieu où l'homme puisse vivre, une fois que l'état de nature est devenu impossible.
4. Si les volontés particulières ne sentent pas que cette dépendance est légitime, cette dépendance ne sera pas assurée. Il faut donc à la société des principes qui « dérivent de la nature des choses et sont fondés sur la raison » (Contrat, I, 4). Même, comme - la raison ne peut manquer d'examiner l'ordre ainsi constitué sous le double aspect de la morale et de l'intérêt - il faut qu'il y ait harmonie entre ces deux points de vue Car une antinomie rendrait l'ordre social irrationnel et incertain. S'il y avait conflit entre ces deux sortes de mobiles, on ne saurait jamais lequel l'emporterait.
5. Suffirait-il que le plus fort se soumît le reste de la société ? Mais son autorité ne sera durable que si elle est reconnue comme un droit : or, il n'y a rien dans la puissance physique qui puisse donner naissance ni à un droit ni à une obligation. De plus, si le droit suit la force, il change avec elle, cesse quand elle disparaît. Comme - il varie de même - elle varie de mille manières Mais un droit à ce point variable n'est pas un droit. Ainsi, pour que la force fasse le droit, il faut qu'elle soit fondée : elle n'est pas fondée par cela seul qu'elle est (Contrat, 1, 3).
6. Par suite de ce contrat, toutes les volontés individuelles disparaissent au sein d'une volonté commune, la volonté générale, qui est la base de la société. Une force est ainsi constituée, infiniment supérieure à toutes celles des particuliers. Et cette force a une unité interne : car les éléments d'où elle résulte ont, en y entrant, perdu, en quelque sorte, leur individualité et leur mouvement propre. En effet, comme - l'aliénation s'est faite sans réserves - nul associé n'a rien à réclamer Ainsi se trouve abolie la tendance antisociale qui est inhérente à chaque individu, par cela seul qu'il a sa volonté personnelle.
7. Pour que la justice règne entre les individus, il faut qu'il y ait en dehors d'eux un être sui generis qui serve d'arbitre et qui fixe le droit. C'est l'être social. Celui-ci ne doit donc pas sa suprématie morale à sa supériorité physique, mais à ce fait qu'il est d'une autre nature que les particuliers. C'est parce qu'il est en dehors des intérêts privés qu'il a l'autorité nécessaire pour les régler. Car il n'est pas partie dans la cause. Ainsi, ce qu'exprime cette théorie, c'est que l'ordre moral dépasse l'individu, qu'il n'est pas réalisé dans la nature physique ou psychique : il doit y être surajouté. Mais, pour qu'il ait un fondement, il faut un être en qui il se fonde, et, comme - il n'y a pas d'être dans la nature qui remplisse pour cela les conditions nécessaires - il faut bien en créer un C'est le corps social.
8. Si donc tout le gouvernement est entre les mains d'un seul, la volonté générale du corps gouvernemental, se confondant avec la volonté particulière d'un seul, participera à l'intensité de celle-ci et aura son maximum d'énergie : et, comme - c'est du degré de volonté que dépend non la grandeur mais l'usage de la force - le gouvernant aura la plus grande activité possible Ce sera l'inverse s'il y a autant de gouvernants que de sujets, c'est-à-dire si la puissance exécutive est unie à la législative (démocratie), car alors il n'y aura plus que la volonté générale avec sa faiblesse naturelle (III, 2).
9. Le gouvernement est si bien un élément adventice dans l'ordre social que les sociétés ne meurent que parce qu'elles sont gouvernées. Il est ce qu'il y a de corruptible en elles et ce qui détermine leur corruption. En effet, en vertu de sa nature, « il fait un effort continuel contre la souveraineté » (III, 10) : et, comme - il en résulte que, tôt ou tard, la puissance gouvernementale doit primer celle du peuple - il n'y a pas d'autre volonté particulière qui soit assez forte pour contrebalancer celle du prince : ce qui est la ruine de l'état social.
10. […] un habile mécanisme constitutionnel ne saurait suffire à assurer la cohésion sociale. Comme - celle-ci résulte avant tout de l'entente spontanée des volontés - elle n'est pas possible sans une certaine communion intellectuelle Autrefois, cette communion résultait tout naturellement de ce que chaque société avait sa religion et de ce que la religion était la base de l'ordre social. Les idées et les sentiments nécessaires au fonctionnement de la société étaient ainsi placés sous la sauvegarde des Dieux. Le système politique était, en même temps, théologique. C'est pourquoi chaque Etat avait sa religion, et l'on ne pouvait appartenir à un Etat si l'on n'en pratiquait pas la religion.
(1) Durkheim E., 1918, Le « Contrat Social » de Rousseau.
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